La création contemporaine en Languedoc-Roussillon

29 novembre 1994 - 5 février 1995

Pavillon du musée Fabre, Montpellier

Le lieu. L'esprit du lieu, tel pourrait être le sous-titre de l'exposition Création Contemporaine en Languedoc.

Ainsi, Claude Viallat, demeuré fidèle à ses premières expérimentations autour de la forme « en palette » : combinaisons infinies – d'une audace colorée toujours renouvelée, du support humble et détourné de sa fonction initiale ; bâche, parasol, tente, drap. Lui aussi pionnier du groupe, André-Pierre Arnal poursuit ses recherches autour de la matière et de son maniement. Grâce à la technique dite de « l'arrachement », se dévoile un monde fusionnel, hasardeux et flamboyant. Autre illustre représentant du groupe, Daniel Dezeuze et ses objets de cueillette improbables et ludiques, confectionnés à l'aide d'éléments hétérogènes – bois, cuir, gaze, métal, corde... Rendu célèbre au cours des années 70 par ses assemblages de pièces de bois équarries, Toni Grand explore les possibilités infinies qu'offre la sculpture aujourd'hui : le vivant (ici, un poisson) semble pris au piège d'une matière enveloppante et caressante (stratifié et résine de polyester). Avec Jean Azémard (fondateur en 1968 du groupe A.B.C. Production), formes vagues et éparses, corps déchiquetés, érodés, échus de la carrière immuable du Temps mais soudain rendu ductiles (béton moulé, carton, plomb) et animés d'une étonnante énergie vitale et organisatrice. Alain Clément se montre quant à lui plutôt attiré par l'expressionnisme abstrait américain. : peinture où l'être s'engage tout entier comme guidé par une sensation furieuse, exaspérée, qui trouve à s'épancher dans l'espace mort de la toile. Vincent Bioulès, dont l'histoire se confond en partie avec l'aventure de Support-Surface n'a jamais renoncé à explorer le réel, à aller « croquer » sur le motif. La tentation naturaliste s'accompagne toujours chez lui d'un besoin instinctif de stylisation, de dépassement de la sensation diffuse et confuse, de sélection et de mise en ordre.

Phillipe Pradalié, tenté d'abord par le Pop Art au cours des années 60, propose quelques pièces figuratives (1984 -1994) intimement liées à la géographie de notre région : la justesse du ton local, la vastité du paysage, évoquent le souvenir du grand Bazille. Avec Dominique Gutherz, on pénètre dans l'univers clos et silencieux de l'atelier du peintre : pourtant rien de moins naturaliste, intimiste et « atmosphérique » que cette peinture qui vise d'emblée à l'essentiel, partant d'un modèle-prétexte unique (série des Catherine ). Aller à l'essentiel, tel apparaît encore le dessein de Piet Moget, établi depuis 1951 à Port-la-Nouvelle : dialogue quotidien du peintre avec la terre, le ciel, la mer qui, comme chez Rothko, libère chez le spectateur un surcroît d'émotion et de spiritualité. Tous ces artistes ont su tirer profit, avec passion et indépendance, des acquis de la modernité, en restant fidèle à la terre languedocienne qui vit passer tant de beaux talents depuis l'âge classique.