Dans le Secret des œuvres d’art

24 mars 2018 - 2 septembre 2018

Du 24 mars au 7 octobre 2018

Les cinq années du chantier de rénovation du musée Fabre, suivies de dix années d’ouverture au public, ont nécessité d’intenses campagnes de restauration des œuvres présentées aux visiteurs. Un travail long, attentif et minutieux mais dans le même temps discret, qui se joue dans les coulisses du musée : réserves et ateliers.

Des œuvres vivantes

À partir du 23 mars, le musée propose aux visiteurs une plongée Dans le Secret des œuvres d’art . Les tableaux, encadrés et présentés contre les cimaises du musée, sont bien souvent perçus comme des images figées illustrant des sujets, racontant des histoires, exaltant des formes et des couleurs. Créées par le savoir-faire de l’artiste, il y a parfois des siècles, elles sont faites de toile ou de bois recouverts de pigments, sculptées dans la pierre ou la terre, fondues dans le métal, esquissées en quelques lignes d’encre ou de crayons sur du papier composées de matériaux organiques,
les œuvres réagissent à leur milieu et, comme des êtres vivants, se contractent ou se rétractent, et parfois se détériorent.
 

Une exposition à la croisée de l’histoire, de la science, de l’artisanat et de l’art

L’exposition présente cinq focus sur cinq « cas » : peinture sur bois, sur toile, dessins sur papier, sculpture en bronze et toile en matériaux contemporains, dont l’étude et la restauration se sont avérées complexes et passionnantes. Les propriétés des matériaux, les techniques de création, les nécessités en termes de conservation et de restauration, tous ces aspects fascinants sont révélés au public, proposant un discours à la croisée de l’histoire, de la science, de l’artisanat et de l’art.
 

Pénétrer les secrets de la matérialité des œuvres

Les ressources du numérique sont mobilisées pour rendre intelligible à tous les problématiques de restauration. Un mapping projeté sur une toile du XVIIe siècle permet de découvrir pas à pas la restauration de ce tableau. Une table tactile présente l’imagerie scientifique (rayons X, rayons UV, rayons infrarouges, IRM...) utilisées lors de l'étude des œuvres. Différents films documentaires illustrent les enquêtes des chercheurs et le travail des restaurateurs qui se déploient sur le temps long. Le visiteur est convié à pénétrer les secrets de la matérialité des œuvres et le processus de leur réintégration.
 

Étude préliminaire : Une initiation au constat d’état grâce à une table tactile inédite

Avant de commencer toute restauration, un examen minutieux et détaillé de l’œuvre est toujours dressé : il s’agit du constat d’état. Lorsqu’il fait cette analyse, le restaurateur ne regarde plus le sujet de l’image, mais scrute les différents aspects matériels de l’œuvre : sa coloration est-elle désaccordée ? Sa surface est-elle lisse ou craquelée ? La toile est-elle tendue, ondulée ou accidentée ? Toutes ces questions permettent de mener une enquête et de poser les bases d’une étude préliminaire de l’œuvre.
Cette première section présente sept œuvres, une huile sur bois, une huile sur toile, quatre dessins à l’huile sur parchemin et une sculpture modelée en cire. À l’aide de la table tactile, le visiteur peut établir leur constat d’état, découvrir toutes les analyses scientifiques dont elles ont fait l’objet et suivre leur processus de restauration. Les œuvres restaurées sont présentées sur les cimaises.
La Sainte Trinité couronnant la vierge

       

   

    

     

     

     

     

   

Anonyme espagnol ou flamand, La Sainte Trinité couronnant la Vierge , début du XVIe siècle,
huile sur bois, D61.1.379 (dépôt de la Médiathèque centrale Émile-Zola).
Vue de l’œuvre durant l’étude de stéréocorélation d’image.
©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes

La Sainte Trinité couronnant la Vierge est une œuvre anonyme peinte au début du XVIème siècle, sans doute par un artiste espagnol ou flamand installé en Espagne. Le tableau, donné à la bibliothèque municipale de Montpellier par le médecin et collectionneur Calixte Cavalier en 1889 a été déposé au musée Fabre en 1961. L’œuvre a malheureusement été rabotée à une époque inconnue, de sorte qu’elle ne présente qu’une partie de la composition originale.
Composée de quatre planches, équipée d’un cadre et d’un parquetage à son revers chargé d’assurer son maintien, cette peinture sur bois présente depuis de nombreuses années un certain nombre d’altérations et de fissures qui peu à peu altèrent la couche picturale. Ces altérations sont dues à des mouvements du panneau contraints par son cadre et son parquetage qui n’ont pas pu s’effectuer naturellement. Une intervention de restauration était nécessaire, mais il fallait aller plus loin : identifier les causes qui ont contraint les mouvements naturels du panneau.
Grâce à une équipe de restaurateurs et de scientifiques, un dispositif de haute précision a été conçu pour comprendre ces mouvements. Placée dans une vitrine climatique étanche, véritable laboratoire, le tableau a été soumis à des variations hygrométriques, de 53 à 63% d’humidité relative. L’ensemble de ces mouvements ont été enregistrés par une balance de haute précision, un ensemble de caméra reconstituant un modèle en trois dimensions de l’œuvre et par des capteurs. Ces mesures sont récoltées depuis le mois de septembre 2016.
Grâce à ces différentes données, les mouvements du panneau équipé de son cadre, puis libéré de son cadre, et enfin libéré de son parquetage, ont pu être enregistrés. L’expérience se poursuivra le temps de l’exposition, permettant à terme de comprendre les secrets des mouvements d’une peinture sur bois, et de définir la solution qui assurera la pérennité de l’œuvre.
    

Une restauration sauvetage : deux dessins de Jacob Philipp Hackert

San Angelo a scala de Jakob-Philipp Hackert

 

     

     

  

  

Jakob-Philipp Hackert, San Angelo a Scala , 1797,
crayon graphite et lavis d’encre brune sur papier vergé filigrané,
825.1.260,  Montpellier, musée Fabre
©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes

Hackert, après des études de dessin à Berlin, s’installe à Rome en 1768. Il s’applique dès lors à parcourir inlassablement la campagne et les montagnes de l’Apennin à la recherche des beautés de la nature. Ses dessins de grand format ne sont pas des études préparatoires pour de futurs tableaux. Il s’agit au contraire d’œuvres abouties, qui plaisaient particulièrement aux amateurs à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. François-Xavier Fabre, fondateur du musée, en acquis de nombreuses feuilles.
La série des dessins conservée au musée a connu une campagne de restauration programmée en plusieurs phases dont la dernière concerne les dessins qui présentent une problématique complexe. Nos deux paysages de très grand format ont été contrecollés au XIXe siècle, sans doute afin de faciliter leur manipulation et leur présentation. Or si les dessins en eux-mêmes ne sont pas en mauvais état, leur support très acide s’est notablement détérioré et les altérations provoquées par cette oxydation inexorable migrent vers les feuilles des dessins. Ces altérations se manifestant par des taches de plus en plus nombreuses. Si rien n’est entrepris, la détérioration de ces œuvres sera, à terme, irréversible.
La restauration proposée consiste à déposer les dessins de leurs supports acides sans qu’ils ne se déchirent ni se gondolent, puis à créer un montage neutre qui permettra leur manipulation sans risque. Ce travail a enrichi notablement la connaissance de l’œuvre, notamment dans les techniques employées par l’artiste. Le fabricant du papier d’une des deux feuilles, l’Anglais John Whatman a même pu être identifié.
Cette exploration des deux dessins de Hackert permettra dans le même temps d’expliquer aux visiteurs la singularité du papier, et en particulier sa fragilité. Soumis à des risques d’altération du fait de la lumière et aux caractères néfastes de certains montages, parfois même de certaines encres, les dessins impliquent des normes de conservation plus délicates mais souvent méconnues.
Afin de révéler la matérialité du papier, les deux dessins sont présentés dans les vitrines rétroéclairés, mettant en évidence la structure et le filigrane.

La reproductibilité à l’âge classique : les bronzes d’ Apollon et Daphné d’après le Bernin

Apollon et Daphné de Gianlorenzo Bernini dit Bernin

 

     

     

  

     

    

    

    

Gianlorenzo Bernini dit Le Bernin  (d’après),
Apollon et Daphné , vers 1700-1710, bronze,
836.4.86, Montpellier, musée Fabre
©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes

Une superbe réplique en bronze du célèbre marbre du Bernin conservé à Rome à la Galerie Borghèse a été léguée au musée Fabre par Antoine Valedau  en 1836. Vandalisée par un visiteur en 1990, la main gauche de Daphné a été brisée et a perdu quatre doigts. L’œuvre a été restaurée au Centre de Restauration et de Recherche des Musées de France (C2RMF) afin de réintégrer les doigts brisés. Cependant, à cette occasion, une étude plus détaillée de cette fonte anonyme a pu être menée.
Le bronze à fait l’objet d’une analyse poussée au C2RMF : photographie au rayon X, analyse du métal ainsi que du noyau en argile. Les éléments récoltés conduisent à l’hypothèse d’une fonte française du début du XVIIIème siècle, bien que l’œuvre originale en marbre soit italienne. Le bronze du musée Fabre est confronté à trois autres tirages du même sujet : l’un d’entre eux du musée des beaux-arts de Dijon, les deux autres en collection particulière. Au visiteur d’aiguiser son regard, pour savoir si ces œuvres ont été produites par le même atelier !
Cette section permet également d’expliquer au visiteur les techniques de la fonte du bronze, et de montrer comment histoire de l’art, restauration et étude scientifique peuvent fonctionner en synergie, pour renouveler radicalement notre connaissance de la circulation des modèles artistiques dans l’Europe de l’époque classique.

Une œuvre invisible : le Paysage à l’auberge d’Herman van Swanevelt

Paysage à l'auberge de Herman Van Swanevelt

     

     

  

     

    

    

   

Herman van Swanevelt, Paysage à l'auberge ,
vers 1635, huile sur toile,
825.1.208, Montpellier, musée Fabre
©Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole, photo Frédéric Jaulmes

Herman van Swanevelt, peintre néerlandais du XVIIe siècle de stature européenne, rejoint Rome après une première formation de peintre aux Pays-Bas et à Paris. Se spécialisant dans le paysage, il est particulièrement sensible aux innovations de son célèbre camarade Claude Lorrain, quand il ne le devance pas parfois lui-même.
Dans ses collections, le musée conserve depuis 1825 une toile donnée par son fondateur, François-Xavier Fabre, et attribuée à Herman van Swanevelt. Cette œuvre, très fragilisée et marquée par de nombreux soulèvements, a été recouverte depuis plusieurs décennies par des couches de papiers japon, dont le rôle est d’empêcher d’éventuelles pertes de matière. Cependant, cette protection rendait totalement invisible la surface de l’œuvre. Les recherches menées sur l’œuvre de Van Swanevelt ont motivé la décision d’enlever le papier japon et de lancer une restauration, à la suite d’une étude préliminaire approfondie, dans le but de confirmer ou non l’attribution traditionnelle de cette œuvre à cette artiste nordique.Le visiteur est invité à suivre la chronique passionnante de cette redécouverte du tableau.

Restaurer Supports/Surfaces : Une toile libre de Claude Viallat

Réunion avec Claude Viallat au CICRP

    

     

  

     

    

    

  

   

Réunion avec Claude Viallat au CICRP,
 12/2016©Carole Husson

Claude Viallat est l’un des artistes vivants majeurs représenté dans les collections du musée Fabre.

Membre fondateur du groupe Supports/Surfaces, il est présent dans les collections du musée depuis 1982 avec l’achat d’une grande toile auprès d’Amnesty International. Le fonds a dès lors été complété par des achats et des dons de l’artiste, dans l’objectif de retracer la carrière de Claude Viallat et de compléter l’ensemble spécifique au mouvement Supports/Surfaces.

Il constitue aujourd’hui un fonds de référence avec ceux du Musée national d’art moderne et du musée d’art moderne de Saint-Etienne.

En 2014  la collection a été enrichie d’un don de plusieurs œuvres. La complexité des matériaux éclectiques et industriels choisis par l’artiste ont généré des dégradations pouvant mettre en péril l’intégrité de certaines d’entre elles. Dans l’exposition, une œuvre de format monumental  peinte recto/verso et souffrant d’un processus de perte de matière évolutif est présentée. Une étude approfondie a été réalisée par le restaurateur afin de trouver la méthodologie la plus adaptée pour résoudre une problématique bien précise. Une batterie de test de vieillissement artificiel ainsi que de traction a été réalisée sur des éprouvettes reprenant des matériaux proches de ceux utilisés par l’artiste. Ces tests ont pour objectif d’anticiper le vieillissement futur de matériaux contemporains dont on ignore le devenir. Il s’agit ainsi de montrer au public les résultats de ces tests et d’expliquer le processus de dégradation comme de restauration des œuvres.

   

Partenaires et mécènes

L'étude scientifique de La Sainte Trinité couronnant la Vierge a été réalisée avec le soutien financier de la Direction régionale des affaires culturelles Occitanie.
  

Engagée depuis plus de 30 ans dans des actions de mécénat en faveur de la culture, de la solidarité et de la recherche,
la Fondation BNP Paribas s’est attachée dès 1994 à faire connaître les richesses des musées et à les préserver.
Le programme BNP Paribas pour l’Art, conduit en étroite collaboration avec le Service de Recherche et de Restauration des Musées de France,
a ainsi permis de restaurer plus de sept cents œuvres conservées dans de nombreux musées en France et à travers le monde.

C’est à ce titre que la Fondation a décidé de soutenir l’opération visant à restaurer cinq œuvres du musée Fabre ayant des supports différents et présentant chacune des problématiques spécifiques.
Au-delà de leur qualité artistique, les deux peintures sur toile et sur bois, les deux dessins et la sculpture choisis pour cette campagne, présentent par leur histoire et par l’ampleur de leur restauration,
un intérêt majeur tant sur le plan de la conservation que de la connaissance scientifique et technique.
En témoigne la place de premier plan qu’elles occuperont dans l’exposition "Dans le secret des œuvres d'art" consacrée à la sauvegarde et à l’étude des biens culturels.

  
L’exposition bénéficie du soutien des Amis du Musée Fabre.


En savoir plus

Un catalogue faisant le point sur les différents dossiers présentés dans l’exposition.
Ces outils de médiation permettront à tous d’approfondir l’univers de l’étude et de la restauration des œuvres d’art.
À l'occasion de cette exposition, un film documentaire de 52'' sur les coulisses des restaurations et de l'exposition sera présenté à l'auditorium du muséeFabre.
Du 30 juin au 2 septembre 2018 tous les jours de 11h à 12h.
Ce film documentaire, produit par Film d'Ici Méditerranée, sera diffusé par France 3 Occitanie.
                     

Découvrez la programmation et les réservations autour de l'exposition:
   • Vendredi 25 mai - La visite du conservateur à 13h00: Dans le secret des œuvres d'art, réalisée par Pierre Stépanoff.
   • pour le public Familles
   • pour le public Scolaires: Collèges et Lycées et aussi  CP-CM2
   • pour les groupes adultes - visites - expositions temporaires
   • pour le public: Etudiants