Tresser : produire de l’épaisseur
Après sa formation à l’École des Beaux-Arts de Montpellier, Rouan s’installe à Paris en 1961, où il suit les cours de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts et découvre les gouaches découpées de Matisse. Là, il rencontre Claude Viallat, Daniel Buren, Michel Parmentier, Pierre Buraglio. Proche du mouvement Supports-Surfaces, il participe en 1966 à l'exposition Impact I au musée d’art moderne de Céret, mais ne sera jamais membre du groupe fondé en 1970.
Au début de sa carrière, il expérimente différents procédés artistiques tels que l’incision, le recouvrement, le collage puis le tressage. Autant de moyens pour lui de démultiplier l’épaisseur du plan du tableau, de recréer la profondeur matérielle de l’œuvre. Traçant sa propre voie, il se démarque de ses camarades en refusant la monochromie ou l’abstraction radicale. Ainsi, il cherche plutôt à morceler et superposer en découpant en bandes puis en tressant ensemble des papiers ou toiles déjà gouachés ou peints.
Dès ses premiers Tressages, les bandes ainsi tissées font apparaître et disparaître tour à tour leurs motifs, entremêlant fond et surface sans que le spectateur puisse jamais se poser définitivement d’un côté ou de l’autre. L’artiste complexifie ce système de tressage par le choix des matériaux, des couleurs, des motifs et par l’ajout de signes - croix, hachures, tirets - venant troubler plus encore la perception des bandes. En 1971, Rouan obtient une bourse pour l’Académie de France à Rome - Villa Médicis alors dirigée par Balthus avec lequel il nouera une profonde amitié. L’année suivante, il rencontre le psychanalyste Jacques Lacan, autre figure déterminante dans la formation intellectuelle du jeune peintre. À Rome, il crée la série des Portes, qui répond à un autre programme : même principe de tressage, mais exploitation de la matité et de la profondeur du noir autour d’un thème commun, celui des douze portes de Rome, qui correspondent à autant d’entrées dans la ville.