Jean Raoux, Offrande à Priape

L’ Offrande à Priape est un tableau majeur du peintre montpelliérain Jean Raoux. Signé et daté de 1720, il appartient à sa meilleure période, entre le Pygmalion amoureux de sa statue de 1717 conservé au musée Fabre et le Télémaque racontant ses aventures à Calypso de 1722 du Louvre. L’histoire de ce tableau, réapparu en 2010 sur le marché de l’art, est bien connue. Il a appartenu au XVIIIe siècle à d’éminents collectionneurs : le duc de Choiseul, ministre de Louis XV, puis le prince de Conti et le financier Nicolas Beaujon. L’œuvre fut diffusée par deux gravures: l’une, réalisée en sens inverse, par Jacques Firmin Beauvarlet (1731-1797), l’autre par P. F. Basan, publiée en 1771 dans le Recueil d’estampes gravées d’après les tableaux de monseigneur le duc de Choiseul .
Autre témoignage de la provenance insigne du tableau, Louis Nicolas Van Blarenberghe peignit en 1770 une tabatière ornée d’une miniature représentant la chambre de Choiseul. Sur le mur de gauche, au second rang, à côté de la Jeune grecque qui sort du bain de Joseph-Marie Vien, est accroché le tableau de Raoux. L’érotisme discret et élégant sur le mode antiquisant, dans une facture lisse et fine, pratiqué par ces deux Montpelliérains d’origine qu’étaient Raoux et Vien était bien dans le goût du ministre. Choiseul possédait un autre Raoux représentant une jeune fille sortant du bain dans un paysage, probablement dans la même veine que la Diane au Bain , entré dans les collections du musée Fabre en 2009.

L’ Offrande à Priape anticipe le goût de la seconde moitié du siècle pour une Antiquité domestique et intime, mâtinée d’érotisme. Le sujet, inspiré des rites romains, montre une jeune mariée amenée devant la statue du dieu Priape par une vieille prêtresse qui cherche à l’instruire. L’expression inquiète de la jeune épousée et le regard malicieux de la vieille sont très allusifs. La nouvelle épouse devait s’asseoir sur le sexe de la sculpture du dieu, caché par des fleurs, afin de favoriser la fertilité de son couple et éloigner les sorts néfastes. En arrière-plan, le marié allongé est servi par un esclave qui lui présente une coupe.

Le style du tableau se compare aisément avec celui du Pygmalion amoureux de sa statue , peint trois ans plus tôt. La composition est asymétrique avec une échappée à gauche. Les figures principales, élégantes et fines, graciles, aux canons comparables : épaules tombantes, hanches larges, petit visage au nez pointu pour les jeunes filles. Le coloris raffiné gris-violet, avec les éclats d’orange, de jaune et de bleu dérive des monochromies froides d’Adriaen Van der Werff et annonce le néoclassicisme. De même, l’exécution est très hollandisante : porcelainée, illusionniste, en accord avec les effets de trompe-l’œil dans l’architecture, mettant en valeur les différentes matières : chair, fleurs, bronze, orfèvrerie, marbre…

Le tableau, exposé dans la salle Raoux, complète significativement le fonds consacré au peintre montpelliérain. Sa provenance prestigieuse, sa qualité d’exécution et l’originalité de sa composition en font une pièce exceptionnelle pour les collections du musée Fabre.

Pour en savoir plus :

Jean Raoux (Montpellier, 1677 – Paris, 1734)
Offrande à Priape
1720
Huile sur toile
H. 89,3 ; L. 73 cm

S.D.b.g.: Raoux/Ft/1720

Inv. 2010.9.1

Hist.: achat de la Communauté d’Agglomération de Montpellier avec le soutien du F.R.A.M. Languedoc-Roussillon, 2010.