Luca Giordano, Hercule domptant le taureau de Crète

Ces trois esquisses sont les premières idées d’une commande du roi d’Espagne Charles II : un cycle de seize fresques pour le décor du palais du Buen Retiro à Madrid, narrant les différents épisodes du mythe d’Hercule. La première esquisse de cette suite, Mercure, Pallas et Vulcain fournissant des armes à Hercule, a fait l’objet d’une dation en paiement à l’Etat, et a été déposée la même année par le Louvre au musée Fabre. Les deux autres ont été achetées la même année, en 2016, lors d’une vente publique à Barcelone.

Luca Giordano, le plus grand peintre napolitain de la seconde moitié du XVIIe siècle, et qui fut bien représenté lors de l’exposition du musée Fabre « L’Âge d’or de la peinture à Naples » de l’été 2015, séjourna en Espagne de 1692 à 1702, afin de répondre à de prestigieuses commandes pour la Couronne et l’Eglise. Il peignit en particulier les gigantesques fresques du plafond de la cathédrale de Tolède, de la basilique royale du palais de l’Escurial ainsi qu’une immense Allégorie de la Toison d’or sur le plafond du salon central du palais du Buen Retiro . Ce programme de style baroque était accompagné d’un cycle de seize fresques, entre les fenêtres, et illustrant les douze travaux d’Hercule ainsi que d’autres épisodes des aventures du héros de l’Antiquité . Le mythe d’Hercule était traditionnellement associé à la monarchie espagnole, du fait des fameuses « colonnes d’Hercule », le détroit de Gibraltar, qui aurait été ouvert par le héros lui-même lors de ses aventures. Elles figurent encore aujourd’hui sur les armes de l’Espagne. Il demeure de ces fresques désormais perdues huit esquisses préparatoires, dont trois sont désormais visibles au musée Fabre. Les cinq autres sont actuellement en collection particulière.

Le musée de Montpellier possède une Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste de Giordano, léguée en 1837 par François-Xavier Fabre à son musée. Peinte vers 1685, classicisante et lumineuse, cette toile est d’un esprit très différent. Les trois esquisses de l’histoire d’Hercule donnent à voir au contraire une atmosphère ténébreuse, peinte en monochrome de brun, d’une touche vive et vigoureuse, bien caractéristique de ce Luca fa presto (« Luca fait vite ») qui savait ébaucher de puissantes compositions en quelques heures à peine. Ces peintures de la période espagnole de Giordano, sombres et tourmentées, auront une influence décisive dans la maturation du style du jeune Goya, trois quarts de siècle plus tard.

Ces trois esquisses, d’une provenance prestigieuse, permettent au musé d’enrichir son fonds italien de style baroque, au tournant des XVIIe et XVIIIe siècle, tout en poursuivant sa politique de mise en valeur de la peinture du siècle d’or napolitain.

Pierre Stépanoff

  • En savoir plus:

Oreste Ferrari, Giusepppe Scavizzi, Luca Giordano, L’opera completa, Naples, Electa Napoli, 1992.

Catalogue de l’exposition L’Âge d’or de la peinture à Naples : de Ribera à Giordano, Montpellier, musée Fabre, du 20 juin au 20 octobre 2015.

Sous la Direction de Michel Hilaire, Nicola Spinosa. Paris, Liénart, 2015.
Ouvrages disponibles à la bibliothèque du musée Fabre.

Luca Giordano
Hercule domptant le taureau de Crète
1696 - 1697
Huile sur toile
H. 57,5 cm ; L. 42 cm

Hist. : Œuvre peinte à Madrid entre 1696 et 1697, préparatoire au décor du palais du Buen Retiro ; peut-être proposé en vente publique à Vienne, en 1811 ; Séville, collection D. Gonzales Abren ; collection don Millan Luis-Delgado au moins de 1977 à 1992 ; Barcelone, vente Balclis, 26 mai 2015, lot n° 1535, acheté par Montpellier Méditerranée Métropole pour le musée Fabre avec le soutien de l’Etat et de la région Languedoc-Roussillon.