Le Musée Fabre a reçu par un généreux don de sa Fondation d’entreprise et de l’entreprise Jean Larnaudie une toile de Joseph Wright of Derby, Vue de Florence et de l’Arno , peinte sans doute en 1793. Cette peinture est l’unique souvenir du passage à Florence de Joseph Wright en 1775 à la fin de son séjour de deux ans en Italie. Elle offre une vue de la ville depuis le parc des Cascine, le long de la rive nord de l’Arno, dans laquelle se distingue à gauche le dôme de Santa Maria del Fiore, à droite, celui de Santa Maria del Carmine, les deux rives étant reliées par le Ponte alla Carraia.
Joseph Wright est l’un des plus importants peintres anglais du XVIII e siècle. Né à Derby en 1734, Wright est resté étroitement associé à sa ville natale, où il vécut et travailla la majeure partie de sa vie. Tout au long de sa carrière, Wright peignit portraits, paysages et scènes de genre. Sa technique du clair-obscur qu’il mobilise durant sa période dite « à la chandelle », de 1760 à 1773, le rend célèbre. Il peint ainsi son Planétaire (1766, Derby, Derby Museum and Art Gallery) et son Expérience de la pompe à air (1768, Londres, National Gallery) attestant de son adhésion à la philosophie des Lumières qui défendait l’idée du progrès par la science et la technique.
De 1773 à 1775, Wright voyage en Italie, à Rome, Naples et Florence. La découverte de la péninsule renouvelle sa production, le conduisant, par des effets de frottis et de glacis, à des recherches toujours plus subtiles sur le rendu de la lumière et de ses effets atmosphériques. A Naples, l’artiste assiste également à une irruption du Vésuve qui marque profondément sa production. Cet intérêt pour le spectacle des forces déchainées de la nature traduit son goût pour l’esthétique du sublime, défendue par le philosophe anglais Edmund Burke. A côté du beau, offrant plaisir et délectation, le sublime donne à voir des sujets terribles et de « belles horreurs » (Diderot), qui troublent l’âme du spectateur. Son voyage italien s’achève en 1775 à Florence, dont il a probablement tiré des croquis pour réaliser cette peinture, vingt ans plus tard, en 1793. Le tableau propose ainsi une vision sublime du paysage, où la lumière semble irradier la ville et conduire le spectateur vers un au-delà métaphysique.
Le don de cette toile est une occasion exceptionnelle pour le musée de représenter un des précurseurs du paysage néoclassique, et d’illustrer la physionomie de la ville de Florence, si importante dans l’histoire du musée et de Fabre son fondateur, qui y séjourna plus de vingt ans. La présence d’un tableau de Wright of Derby permet d’illustrer le caractère cosmopolite des artistes séjournant en Italie à la fin du XVIII e siècle à l’époque du Grand Tour , et renforce le caractère international de la collection du musée de Montpellier, aux côtés d’artistes contemporains tels que l’Allemand Hackert, le Suisse Caspar Wolff, le Flamand Simon Denis et le Néerlandais Hendrick Voogd. Wright of Derby est un artiste très rare en France, uniquement représenté au musée du Louvre, grâce à une très belle Vue du Lac de Nemi au soleil couchant , autre site très apprécié de l’Italie du Grand Tour . L’acquisition de cette Vue de Florence constitue ainsi un véritable évènement pour les collections publiques françaises.
Pierre Stépanoff