Joseph Nollekens, Buste de Henry Vassal-Fox, troisième baron Holland (1773 – 1840)

Ce buste de Henry Vassall-Fox, troisième Baron Holland (1773-1840) fut exécuté en 1799 par Joseph Nollekens (1737-1823). Le modèle de ce portrait, ami et mécène de François-Xavier Fabre en Italie, est un personnage très important dans la carrière du fondateur du musée de Montpellier. Nollekens, l’auteur du buste, est sans aucun doute le plus grand sculpteur anglais de la période néoclassique, qui s’illustra en particulier dans le genre du portrait à l’antique. L’intérêt du musée pour le modèle de cette œuvre, de même que l’allégeance stylistique de son auteur au néoclassicisme, ont motivé cette acquisition.

Henri Vassal-Fox, troisième baron Holland, est le neveu de Charles James Fox (1749-1806), chef du parti whig à la chambre des communes. Ce grand orateur lutta tout au long de sa carrière contre le roi George III qu’il suspectait de vouloir instaurer une monarchie absolue, déréglant l’équilibre institué entre le roi et le parlement lors de la Glorieuse Révolution un siècle plus tôt. Favorable à l’abolition de l’esclavage, à l’indépendance américaine, à la Révolution française, il incarne l’opposant par excellence à la politique menée par le Royaume-Uni à cette époque. Lors des guerres napoléoniennes, il devient le rival de William Pitt le jeune. Il occupa à diverses reprises le poste de Secrétaire d’État aux affaires étrangères. Nollekens exécuta également son buste à la même époque. C’est aux côtés de cette figure tutélaire que le jeune lord Holland fut élevé. Il réalise son Grand Tour en Europe à partir de 1794, pour quitter l'Italie en avril 1796, à la suite des premiers succès de l’armée d’Italie commandée par Bonaparte.

C’est lors de ce séjour que le jeune Lord fait la connaissance de François-Xavier Fabre, à Florence. Il lui commande son portrait à mi–corps (1795, Londres, the National Portrait Gallery) ainsi qu’en pied (Grande Bretagne, collection particulière, coupé plus tard à la taille). Une importante correspondance entre les deux personnages, se poursuivant jusqu’en 1799, est conservée au British Museum (Holland Papers Ms. 51567), apportant de très précieuses informations sur Fabre. Les débuts de sa carrière florentine sont en effet entièrement consacrés au portrait mondain (1793-1796) et c’est lord Holland qui incite l’ancien élève de David à se confronter à nouveau aux grands sujets d’histoire. Il lui commande un Marius à Minturnes (1796) et une Ariane et Thésée à l’entrée du labyrinthe (1797, tous deux conservés en collection particulière). Les échanges de lettres entre le peintre et le commanditaire laissent apparaître un mécène cultivé et exigeant, soucieux de ses commandes, qui invite régulièrement Fabre à reprendre ses compositions. Lord Holland eut également l’occasion de passer commande auprès de Louis Gauffier (1762-1801), camarade à l’Académie de France à Rome et ami de Fabre. Cet artiste exécuta ainsi le Portrait de lord Holland (Royaume Uni, collection particulière), où le sujet apparaît accompagné d’un buste en bronze de son oncle, ainsi que deux portraits de sa maîtresse qu’il rencontra à Florence, lady Webster, qui deviendra bientôt son épouse, lady Holland ( Montpellier, musée Fabre et New York, collection particulière).

Joseph Nollekens est sans conteste le plus important sculpteur anglais de la période néoclassique, de la seconde moitié du XVIII e siècle au début du XIX e siècle. Fils du peintre flamand Josef Frans Nollekens installé en Angleterre, il étudie auprès de Peter Scheemakers à partir de 1750. Il réside à Rome de 1760 à 1770, travaillant comme marchand, restaurateur et copiste d’antiquités. Durant ce séjour, il exécute le Buste de Piranèse (Rome, Académie de Saint-Luc), qui annonce un esprit résolument tourné vers l’antique. Ce séjour lui permet de rencontrer des clients anglais réalisant leur Grand Tour , soucieux de rapporter dans leur patrie des sculptures originales ou des pastiches de chefs-d’œuvre de l’Antiquité. De retour à Londres, il réalise des sculptures de sujets mythologiques, en particulier trois déesses de l’Olympe, Vénus , Junon et Minerve , de 1773 à 1776 (Malibu, Getty museum) marquées par une forte influence de la sculpture maniériste de Giambologna. Dans un esprit majestueux, il exécute également de grands monuments funéraires à l’esthétique néoclassique, tels que le Monument funéraire dédié à sir Thomas et Lady Salisbury (Herts, église de Great Offley) ou le Monument aux trois capitaines (1784, Londres, Westminster Abbey) en l’honneur d’officiers tombés au combat lors de la guerre d'indépendance américaine. Ce sont surtout ses commandes de portraits qui le rendent célèbre, qu’il s’agisse d’écrivains (David Garrick, Laurence Sterne) ou de figures politiques (le roi George III, William Pitt, ou encore Charles James Fox et son neveu lord Holland).

Dans la plupart de ses portraits, et dans ce buste de lord Holland en particulier, Nollekens représente le personnage à l’antique, nu et recouvert d’un superbe drapé. La fidélité aux traits du personnage s’équilibre parfaitement avec une expression résolue et une certaine tension dans le regard. Si certains bustes exécutés par l’artiste existent dans de très nombreux exemplaires (on dénombre ainsi plus de soixante-dix répliques du William Pitt), notre buste présente le fort intérêt d’être unique, bien qu’il existe une réplique partielle ne comprenant que la tête du personnage (Royaume-Uni, Woburn Abbey). L’œuvre est datée de 1799 : à cette époque, Lord Holland a vingt-six ans. Il s’agit d’une commande de son oncle, Charles James Fox, pour un temple de l’amitié qu’il fit construire dans sa propriété de St. Anne’s Hill, dans le Surrey. La maison et le temple n’existent plus aujourd’hui, mais un dessin de William Turner permet de se faire une idée du site, le temple apparaissant à gauche (Londres, Tate Modern). À cette époque, lord Holland est de retour d’Italie, et échange régulièrement avec François-Xavier Fabre. Il siège déjà au parlement et deviendra bientôt, à l’exemple de son oncle, l’un des principaux animateurs du parti Whig dans la vie politique britannique.

La personnalité de lord Holland est donc profondément liée à l’histoire des collections du musée Fabre. Cette œuvre de très belle qualité s’intègre parfaitement au parcours néoclassique, aux côtés d’autres sculptures du début du XIX e siècle, telles que le Buste de Muse de Canova (1811), la Vénus couchée de Lorenzo Bartolini (vers 1820-1830) ou encore les bustes du baron et de la baronne Daru par Antonio d’Este (1812).

Pierre Stépanoff

Joseph Nollekens (Londres, 1737 – id., 1823)
Buste de Henry Vassal-Fox, troisième baron Holland (1773 – 1840)
1799
Marbre
H. 69 ; l. 43 ; P. 18 cm

signé et daté au revers « Nollekens Ft. 1799 »

2018.10.1

Hist. : Commandé par l’oncle du modèle, Charles James Fox, pour le Temple de l’amitié dans les jardins de sa résidence de St. Anne’s House, dans le Surrey ; mentionné dans ce lieu en 1803 ; dispersé dans les années 1990-2000 ; Londres, vente Christie’s, 23 mai 2018, n° 41 ; acquis de cette vente par Montpellier Méditerranée Métropole pour le musée Fabre avec le soutien du Fonds régional d’acquisition des musées État / Région Occitanie.