Joseph-Marie Vien, Prêtresse brodant pour l’ornement d’un temple

Le musée Fabre a acquis en novembre 2016 une toile du Montpelliérain Joseph-Marie Vien, une Prêtresse brodant pour l'ornement d'un temple , présentée à Paris au Salon de 1755. Ce tableau faisait partie d’une suite de trois ovales, tous trois peints pour Madame Geoffrin et aujourd’hui perdus : une Vestale couronnée de roses ainsi qu’une Prêtresse faisant une couronne de fleurs . Le musée Fabre possède cependant une très belle réplique datée de 1760 de la Vestale , peinte par Vien, et offerte au musée en 2004 par Madame Lugand, sœur de Jacques Lugand, spécialiste de l’artiste. Cette peinture est un magnifique exemple du néoclassicisme que Vien élaborait dans les années 1750, et qui le conduisit à bouleverser l’art et le goût de son temps.

En 1755, l’art de Vien est en pleine transformation stylistique. Aux côtés du Comte de Caylus, célèbre anticomane et collectionneur du XVIII e siècle, il se lance dans des recherches passionnées sur les secrets de la peinture à l’encaustique des anciens. La noblesse et la simplicité des fresques romaines fascinent les deux hommes, qui s’efforcent d’encourager l’émergence d’un nouveau goût fondé sur la pureté de l’art antique. Ce goût que l’on dira bientôt « à la grecque », est particulièrement manifeste dans notre Prêtresse , d’une teinte volontairement mâte, imitant la peinture antique. Sans couleur vive ni geste expressif, la toile dégage un sentiment de douceur et de sérénité. Madame Geoffrin, résolue à soutenir le nouveau style néoclassique naissant, protégea le peintre montpelliérain en achetant nombre de ses toiles, en particulier la Douce Mélancolie (Cleveland, the Cleveland Museum of Art), dont le musée Fabre conserve l’ esquisse préparatoire . Aboutissement de ses recherches pour définir un nouveau goût artistique, Vien présenta également au Salon de 1755 son Dédale et Icare , morceau de réception à l’Académie Royale de peinture et de sculpture, dont l’ esquisse fait également partie des collections du musée tandis que le tableau original est conservé à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Avec toutes ces œuvres d’un goût nouveau, le Salon de 1755 avait bien valeur de manifeste pour Joseph-Marie Vien.

L’artiste est l’un des peintres les plus importants présentés au musée Fabre, précurseur du néoclassicisme européen, mouvement artistique qui caractérise profondément le musée depuis sa fondation en 1825. Bien des artistes des collections, tels que David, Vincent, Suvée ou Regnault, furent les élèves de Vien. Le jeune François-Xavier Fabre surtout, fondateur du musée, put compter sur sa protection et ses leçons à son arrivée à Paris à 17 ans en 1783. Vien donna pour première mission à son jeune compatriote de peindre une copie conservée au musée de son Enlèvement d’Europe . Cette réplique est aujourd’hui l’œuvre connue la plus précoce de Fabre. Le fondateur du musée eut à cœur à la fin de sa vie de conserver et collectionner des œuvres de son maître. Il offrit ainsi à la ville en 1825 une Tête de vieillard , une Académie d’homme nu , ainsi que le dessin préparatoire de l’ Ermite endormi , une des toiles les plus fameuses de Vien, conservée au musée du Louvre.

L’acquisition de ce charmant ovale est ainsi une très belle occasion de célébrer les trois cents ans de la naissance de ce peintre montpelliérain. Elle permet en même temps d’évoquer le rôle du salon de Madame Geoffrin, lieu caractéristique des lumières où se rencontraient philosophes, hommes de lettres, artistes et scientifiques, dont le tableau d’Anicet-Charles-Gabriel Lemonnier a bien restitué l’esprit quelques années plus tard.

Joseph-Marie Vien y est représenté, au dernier rang, quatrième en partant de la gauche, tandis que deux de ses toiles ornent les murs du salon. Cette acquisition s’intègre enfin dans une belle politique d’achat poursuivie par le musée à l’exemple de François-Xavier Fabre, depuis les achats dans les années 1960 du conservateur Jean Claparède auprès de Mademoiselle Bordes, descendante de Vien, jusqu’à l’acquisition en 2015 du spectaculaire tableau romain de l’artiste Sarah présentant Agar à Abraham , daté de 1749.

Pierre Stépanoff



En savoir plus

Thomas Gaeghtens et Jacques Lugand, Joseph-Marie Vien : peintre du roi (1716 – 1809) , Paris, Arthéna, 1988.

Catalogue de l’exposition Joseph-Marie Vien : peintre du roi (1716 – 1809) , Béziers, musée des beaux-arts. Hôtel Fabregat, Octobre - novembre 1990, Jacques Lugand, Nicole Riche (dir.).

Catalogue de l’exposition L’Antiquité rêvée – innovations et résistances au XVIIIe siècle , Paris, musée du Louvre, 2 décembre 2010 – 14 février 2011, Paris, Gallimard, 2010, Guillaume Faroult, Christophe Leribault, Guilhem Scherf (dir.).

Ouvrages disponibles à la bibliothèque du musée Fabre.

Joseph-Marie Vien (Montpellier, 1716 – Paris, 1809)
Prêtresse brodant pour l’ornement d’un temple
1755
Huile sur toile
H. 57 ; L. 46 cm

Signé à gauche : jo m vien

2016.18.1

Hist. : Paris, collection Marie-Thérèse Rodet Geoffrin (1699-1777) ; Paris, exposé au Salon de 1755, n° 39 ; Fontainebleau, vente Osenat, 27 novembre 2016, n° 20 ; préempté par l’Etat au bénéfice du musée Fabre ; acquis de cette vente par Montpellier Méditerranée Métropole pour le musée Fabre.