Jean Ranc, Portrait de Joseph Ier Bonnier de la Mosson et Portrait d’Anne Melon

Ces portraits de deux personnalités montpelliéraines de premier plan furent exécutés vers 1702 par Jean Ranc, l’un des portraitistes les plus appréciés de son temps. Montpelliérain, il se forme dans sa ville natale auprès de son père, le peintre Antoine Ranc (1634-1716) puis se rend à Paris en 1696 où il entre dans l’atelier d’Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Agrée à l’Académie royale en 1700, Ranc est reçu en 1703. En 1722, grâce à l’impulsion de son ancien maître et ami Rigaud, il devient peintre du roi d’Espagne Philippe V. Il résidera en Espagne jusqu’à sa mort en 1735.

Issu d’une famille de marchand drapier de Montpellier, Joseph Bonnier assume la charge de directeur des affaires du roi, puis conseiller secrétaire en 1707. Il achète la charge de trésorier de la Bourse des États du Languedoc en 1711. Capitoul de Toulouse en 1707 et trésorier de l’hôpital général de Montpellier pour l’année 1709-1710, il achète en 1714 la baronnie de la Mosson et y débute le chantier de son château à partir de 1723.

Ranc représente Bonnier assis dans un large fauteuil à haut dossier, recouvert de velours brun à décor de feuillages. L’un de ses bras repose sur une table à piétement ouvragé tandis que l’autre désigne l’extérieur de la composition. Derrière Bonnier apparaît ce qui pourrait être une colonnade, comme celle visible dans le parc de son château. On se tromperait cependant en identifiant une représentation véritable du jardin de la Mosson, dont le chantier débuta en 1723, un an après le départ définitif de Ranc pour l’Espagne. Il semble plus juste de dater ces tableaux de 1702, l’année du mariage des deux modèles. Il n’est guère étonnant que Bonnier, à Paris, ait commandé à son compatriote montpelliérain ces deux tableaux. Le portrait de Bonnier fut de plus très vraisemblablement exposé au Salon de l’Académie royale en 1704, comme un portrait de « M. Boniere ». Anne Melon (1685 – 1727), fille de Guillaume Melon, ancien receveur des tailles de Montpellier, tient à la main un œillet, symbole de l’amour constant. Assise dans un décor de jardin où l’on aperçoit une colonne à sa gauche et une fontaine à droite, elle pose l’une de ses mains sur une corbeille de fleurs.

L’œuvre de Jean Ranc se caractérise par un soin tout particulier apporté aux visages subtilement modelés, à la gestuelle élégante, aux vêtements somptueux, aux accessoires précieux. Les drapés nerveux aux plis outrés participent de la singularité plastique du style de l’artiste et ont presque valeur de signature. Ces deux portraits font incontestablement partie de ses plus belles réussites.

De nombreux tableaux de Jean Ranc sont conservés au musée du Prado à Madrid ainsi qu’au château de Versailles. Le musée Fabre conserve quant à lui son chef-d’œuvre, la magnifique Vertumne et Pomone (vers 1710-1722). Une copie du Portrait de Joseph Bonnier de la Mosson se trouve également dans les collections du musée, déposée depuis 1914 par l’Hospice de Montpellier. Elle fut produite par l’atelier de Ranc et exécutée à la demande du modèle pour être installé dans l’Hospice général de Montpellier dont il fut le protecteur. L’acquisition de nos deux portraits permet de mesurer l’écart de qualité picturale entre l’original et la copie, et constitue un enrichissement décisif pour le musée. Ils viennent compléter la collection des œuvres de Ranc, et des peintures d’artistes du temps de la Régence, un des points forts du musée Fabre. Ils permettent enfin de montrer aux visiteurs l’effigie d’un des personnages les plus importants de l’histoire de Montpellier, le bâtisseur du château de la Mosson.

Pierre Stépanoff



En savoir plus

Catalogue de l’exposition Jean Ranc – Un Montpelliérain à la cour des rois , Montpellier, musée Fabre, 25 janvier 2020 - 28 juin 2020, Milan, Silvana Editoriale, 2020, Michel Hilaire, Stéphan Perreau, Pierre Stépanoff (dir.).

Ouvrage disponible à la bibliothèque du musée Fabre.

Exposition Jean Ranc – Un Montpelliérain à la cour des rois , Montpellier, musée Fabre, 25 janvier 2020 - 28 juin 2020

Jean Ranc (Montpellier, 1674 – Madrid, 1735)
Portrait de Joseph Ier Bonnier de la Mosson/Portrait d’Anne Melon
1702
Huile sur toile
H. 146 ; L. 114 cm
2017.12.1/2017.12.2

Hist. : Paris, 1702, sans doute commandés à Ranc à l’occasion du mariage des deux modèles ; Paris, le portrait de Joseph I er Bonnier de la Mosson exposé au Salon de 1704 (« M. Boniere ») ; sans doute Montpellier, château de la Mosson en 1744 (inventaire du château : « trois grands portraits avec leurs bordures dorées, l’un représentant feu sieur Bonnier, l’autre feu madame Bonnier et le troisième, le feu sieur de la Mosson, encore enfant ») ; collection George V, roi de Hanovre (1819-1878) comme Hyacinthe Rigaud, « portraits de Louis-Alexandre de Bourbon duc de Penthièvre et de la marquise de Gondrin » ; collection Georg Heinrich Otto Volger (1822-1897) ; Paris, exposés à la galerie Marcus en 1963 ; collection Lyndon B. Johnson, président des États-Unis, comme Largillierre ; Londres, vente Sotheby’s, 12 avril 1978, n° 45 ; New York, vente Sotheby’s, 15 janvier 1993, n° 82 ; Paris, vente Ader Tajan, 28 juin 1993, n° 53, comme Hyacinthe Rigaud, « portraits de Guillaume Scott de La Mésangère et son épouse », puis rectifié et réattribués à Ranc avant la vente ; Venise, vente publique, 17 décembre 2006, n° 30, comme Largillierre ; Paris, Hôtel Drouot, vente Lombrail et Teucquam, 19 avril 2017, n° 21 et 22, comme Jean Ranc, « portrait de Joseph Bonnier de la Mosson et de son épouse Anne de Melon », préemptés par l’Etat au bénéfice du musée Fabre, achats de Montpellier Méditerranée Métropole pour le musée Fabre avec le soutien du Fonds régional d’acquisition des musées Occitanie.