Jean Coustou, Dessus-de-porte en trompe-l’œil avec la médaille du comte de Caylus

Grâce au soutien de la Fondation d’entreprise, le musée Fabre a pu acquérir un intéressant trompe-l’œil du peintre montpelliérain Jean Coustou. Cet artiste, d’envergure régionale, a un lien intime avec l’histoire du musée, puisqu’il fut le tout premier maître de François-Xavier Fabre, son fondateur. Cette acquisition vient ainsi compléter les efforts menés par le musée depuis plusieurs années pour proposer un bel ensemble d’œuvres illustrant la vie artistique particulièrement riche du Montpellier de la fin du XVIII e siècle.

Né à Montpellier en 1719, Jean Coustou se forme à Paris dans l’atelier de Jean II Restout, puis revient dans sa ville natale en 1738. A partir de 1746, il est régulièrement choisi pour exécuter le portrait annuel des consuls de la cité (tous ces tableaux sont aujourd’hui malheureusement perdus) et peindre de nombreux tableaux religieux pour les églises de la ville et de sa région (Montpellier, cathédrale Saint-Pierre ; Clapiers ; Mauguio ; Lodève ; Clermont-l’Hérault ; Sète). Coustou mène également une activité pour des commanditaires privés et se spécialise notamment dans le portrait et dans les panneaux décoratifs présentant des natures mortes ou des trophées, à l’exemple de cette toile. Coustou s’intègre également dans les réseaux de sociabilité montpelliérains. Il est notamment membre de la Dévote et Royale Confrérie des Pénitents bleus, aux côtés de Philippe Laurent de Joubert, grand collectionneur vivant entre Paris et Montpellier, mécène de David, de Peyron et du jeune Fabre, ou encore d’Abraham Fontanel, marchand d’art, ami de Greuze, David, Houdon et Pajou. Lors de la fondation de la Société des beaux-arts de Montpellier et de son école gratuite de dessin en 1779, Coustou est nommé professeur et directeur des classes.

C’est dans cette institution que François-Xavier Fabre, fondateur du musée de Montpellier, devient l’élève de Coustou. Si le jeune homme recevra plus tard à Paris les leçons de Vien et de David, deux maîtres autrement plus considérables, Fabre gardera toujours en mémoire une estime et une affection particulières pour son premier maître : « Sans lui, je ne serais rien ; mais il avait entrevu mon avenir ; c’est lui qui m’a soutenu contre les dégoûts et les amertumes dont un artiste est abreuvé, même souvent au début de sa carrière ». Dans la première notice de visite du musée Fabre, lors de l’inauguration de l’établissement en 1828, Fabre insiste à nouveau sur sa dette à l’égard du peintre montpelliérain, en se précisant « élève d’abord de Coustou et ensuite de Louis David ».

Le musée possède déjà deux toiles de ce peintre, une Jeune femme noire et un enfant , d’exécution maladroite, et surtout une belle esquisse représentant Saint Claude et saint Barthélémy, accompagnés de la Charité, intercédant auprès de la Vierge pour les pénitents bleus . Ce tableau est l’esquisse du retable de l’ancien maître-autel de la chapelle des Pénitents bleus, peint en 1746, et aujourd’hui malheureusement perdu. Ces deux tableaux furent offerts par Philippe Coustou, fils de l’artiste et ami de Fabre, pour saluer l’ouverture du musée et la libéralité de l’élève de son père en 1828.

Le musée ne possédait pas d’exemple des panneaux décoratifs de Coustou, aspect important de sa carrière, notamment illustré au musée de Béziers par quatre toiles représentant des allégories des arts (peinture, musique, orfèvrerie, sculpture). La toile ici présentée a sans doute été peinte pour un amateur d’art et fin connaisseur. Elle présente en effet un médaillon à l’effigie du Comte de Caylus (1692-1765), amateur passionné d’antiquités, intellectuel, mécène et ami des artistes qui joua un rôle de tout premier plan dans le renouvellement des arts et la redécouverte de l’Antiquité romaine et grecque tout au long du XVIII e siècle. Le médaillon reprend celui fondu par le sculpteur Louis Claude Vassé (1717-1772) pour orner son monument funéraire à l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, vers 1767. Cette médaille, récemment acquise par le musée du Louvre, devait être connue de Jean Coustou grâce à des gravures, comme l’atteste le retournement du profil par rapport à la médaille originale. La représentation de ce personnage a sans doute été une requête spécifique du commanditaire du tableau. De même, une inscription sur la tranche du livre « cabinet de Croisat », fait peut-être référence au recueil Crozat, album d’estampes représentant les plus beaux tableaux conservés dans les collections françaises, publié en 1729. S’il n’est guère possible de connaitre pour le moment le commanditaire de ce panneau, il est très tentant de penser à la figure de Philippe Laurent de Joubert, le plus fin connaisseur et amateur montpelliérain de la fin du XVIII e siècle, résidant régulièrement à Paris, et qui devait fort bien connaitre le médaillon du mausolée de Caylus.

Cette toile vient ainsi rejoindre un bel ensemble d’œuvres produites par des artistes montpelliérains ou à Montpellier à l’époque des Lumières et qui illustrent la vitalité artistique de la capitale des États du Languedoc à la fin de l’Ancien Régime et sous la Révolution, notamment Jean Louis Journet, Jacques André Edouard Van der Burch et son fils Dominique Joseph, Jérôme Demoulin, Jacques Moulinier, Augustin Pajou ou François-Xavier Fabre lui-même.

Pierre Stépanoff



En savoir plus

Le Musée avant le musée, la Société des Beaux-Arts de Montpellier, 1779-1786 , catalogue d’exposition, Montpellier, musée Fabre, 9 décembre 2017 - 11 mars 2018, Gand, Snoeck, 2017, sous la direction de Michel Hilaire et Pierre Stépanoff.

Myriam Espinet, Jean Coustou (1719-1791) , mémoire de master d’histoire moderne et contemporaine, Université Paul Valery, Montpellier III, juin 2005, sous la direction de Laure Pellicer.

Jean Coustou (Montpellier, 1719 – Montpellier, 1791)
Dessus-de-porte en trompe-l’œil avec la médaille du comte de Caylus
1778
Huile sur toile
H. 62,5 ; l. 127 cm
2020.41.1

Historique : Monaco, vente Sotheby’s, 16 juin 1989, n° 53 ; Londres, vente Christie’s, 25 février 1994, n° 103 ; Paris, Hôtel Drouot, vente Fraysse, 10 décembre 2020, n° 29, acquis de cette vente par la Fondation d’entreprise du musée Fabre  ; don de la Fondation d’entreprise au musée Fabre, 2021.