Jean-Baptiste Mallet, L’Hymen

Né en 1759 à Grasse, Jean-Baptiste Mallet se forme à la peinture tout d’abord à Toulon auprès de Simon Julien (1735-1800), puis à Paris chez Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823) et Léonor Mérimée (1757-1836). Ces trois informations sont rapportées par des sources non documentées, de sorte qu’il est sans doute plus vraisemblable que Mallet entretint une relation de camaraderie et d’émulation avec Mérimée et Prud’hon, étant donné leur proximité d’âge. Mallet est médaillé de l’Académie royale de peinture en 1791. A partir de cette année, il participe également au Salon avec un Intérieur d’une église où se déroule une cérémonie religieuse . Il est ensuite présent à presque tous les salons jusqu’en 1824. Ses productions picturales relèvent essentiellement de la peinture de genre. Dans ses petits tableaux, Mallet sait charmer une clientèle bourgeoise, amatrice de scènes amoureuses ou domestiques, tendres et sentimentales. A cette époque, la peinture de genre est en plein triomphe dans les différents Salons aussi bien que dans les ventes aux enchères ou chez les collectionneurs. Les tableaux de petits formats de ses contemporains Boilly, Demarne, Taunay ou Marguerite Gérard, marqués par la peinture fine hollandaise du XVII e siècle, remportent de nombreux éloges et sont très appréciés des collectionneurs.

Si les premières peintures de Mallet illustrent la vie quotidienne de la société bourgeoise, un probable voyage en Italie de 1795 à 1796 le sensibilise au goût de l’Antiquité. L’artiste propose alors des sujets sentimentaux de goût néoclassique, illustrant des serments amoureux dans des décors à l’antique, comme c’est le cas dans notre tableau. L’influence de Pierre-Paul Prud’hon est décisive dans ce renouvellement stylistique. Durant les années 1810, Jean-Baptiste Mallet devient également l’un des inventeurs du style troubadour, encouragé par l’Impératrice Joséphine : son Bain gothique présenté au salon de 1810, et conservé au musée-château de Dieppe, fait en quelque sorte figure de manifeste pour ce nouvel imaginaire pictural. Sous la Restauration, ses peintures dépassent la scène de genre et s’emparent de sujets historiques, traités sur le mode anecdotique caractéristique de la peinture troubadour en plein épanouissement : c’est ainsi le cas de L’Éducation d’Henri IV (1817, musée des beaux-arts de Pau) ou de Geneviève de Brabant baptisant son fils dans sa prison (1824, Cherbourg, musée Thomas Henri). A travers cette traversée de la fin du XVIII e siècle et du début du XIX e siècle, il est remarquable de voir Mallet adapter avec adresse ses peintures aux caprices du goût et à la succession des régimes, de la représentation de la vie bourgeoise du Siècle des Lumières à l’exaltation monarchiste du passé médiéval, en passant par un goût néoclassique vertueux et sentimental, en vogue durant les années révolutionnaires. Pourtant, malgré cette succession d’inspirations, son dessin gracieux, sa facture soyeuse et brillante restent inchangés.

Dans notre tableau, un couple de jeunes enfants, portant de longues tuniques où l’artiste peut déployer tout son goût pour l’élégance de la ligne, s’unissent dans un tendre baiser et reçoivent la protection et la bénédiction nuptiale d’une vestale les enveloppant d’un voile transparent. L’extrême jeunesse des époux est à comprendre comme un symbole de pureté et de sincérité du sentiment, comme un contrepoint à l’esprit libertin de la peinture rocaille. Le trépied au centre, l’autel sur lequel sont déposées deux colombes sacrifiées, la borne à droite surmontée d’une statue d’Eros sont autant d’accessoires plongeant la scène dans un univers à l’antique. La composition de la scène elle-même, en frise, évoque bas-relief et fresques. Au-delà du premier plan, le tableau s’ouvre sur une tonnelle recouverte de vignes. Jouant remarquablement sur l’éclairage, le peintre fait surgir ses figures dans un halo de lumière.

Ce tableau trouve toute sa place dans les collections du musée, profondément marquées par le goût néoclassique de son fondateur, François-Xavier Fabre. Elle créé un effet d’échos stimulant avec les figures de vestales de Raoux et de Vien que le musée conserve. Le tableau s’intègre remarquablement dans le fonds de peintures des XVIII e et XIX e siècle légué par le collectionneur Antoine Valedau en 1836. Valedau offrit en effet au musée deux dessins de Jean-Baptiste Mallet ( Scène de famille La Maîtresse d’école , tous deux de 1828), mais fut également un grand amateur de cette peinture à la facture raffinée inspirée des scènes de genre hollandaises du XVII e siècle. La salle 25 du musée présente actuellement un ensemble représentatif du goût de Valedau, caractéristique des années de la Révolution, de l’Empire et de la Restauration. Le tableau de Mallet rejoint cet ensemble, aux côtés de La Prière du matin de Greuze (vers 1780), de L’Enfance de Bacchus de Demarne, de l’esquisse de Prud’hon Les Arts, les Plaisirs, la Richesse, la Philosophie (entre 1798 et 1801) ou des sujets plus contemporains de Taunay ( Bergers au repos ; Le Jeu de carte , entre 1788 et 1804) ou de Swebach ( Une Course dans les environs de Longchamp , vers 1800).

Pierre Stépanoff



En savoir plus

Andrea Zanella, Trois peintres grassois : Jean-Honoré Fragonard, Marguerite Gérard, Jean-Baptiste Mallet : Musée Fragonard, collection Hélène et Jean-François Costa , Villa-Musée Jean-Honoré Fragonard, Grasse, 2011.

Ouvrage disponible à la bibliothèque du musée Fabre.

Jean-Baptiste Mallet (Grasse, 1759 – Paris, 1835)
L’Hymen
Vers 1800 - 1810
Huile sur toile
H. 32,5 ; L. 40,5 cm

Signé en bas à gauche : « Mallet »

2017.10.1

Hist. : Paris, Palais Galliera, vente Ader et Laurin, 27 juin 1963, n° 215, repr. Pl. XLI ; Paris, Hôtel Drouot, vente Audap-Mirabaud, 24 mars 2017, n° 77, préempté par l’État au bénéfice du musée Fabre ; Achat de Montpellier Méditerranée Métropole pour le musée Fabre avec le soutien du Fonds régional d’acquisition des musées État / Région Occitanie.