François-Jean Sablet, dit François Sablet, Paysage avec une fontaine sur la route de Genzano di Roma

François Sablet est un peintre de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, spécialisé dans le portrait et le paysage. Avec son frère Jacques (1749-1803), également peintre, il est originaire de Morges dans le canton de Vaud, en Suisse. François se forme à Paris dans l’atelier de Joseph Marie Vien à partir de 1768, bientôt suivi par son frère. Lorsque Vien est nommé à la tête de l’Académie de France à Rome en 1772, Jacques Sablet suit son maître en Italie, tandis que François poursuit une carrière de portraitiste dans la capitale française. En 1791, Sablet retrouve son frère à Rome : « il fut en 1791, rejoindre son frère à Rome, avec sa femme, qui s’occupe aussi de la peinture. Il quitta alors le portrait pour s’attacher au paysage à l’huile, dans lequel il réussit admirablement ; il peignait dans la campagne, d’après nature, & fit un recueil charmant des environs de Genzano (…), orné de figures qu’il fait avec la plus grande facilité » (Béat de Henezel, Journal littéraire de Lausanne, 1796, p. 394). Cependant, à la suite des émeutes anti-françaises de 1793, les deux frères quittent la Ville éternelle et regagnent la France en passant par Lausanne. François expose au Salon parisien en 1795, 1799, 1804 et, après un séjour en Normandie, s’établit définitivement à Nantes en 1805 où il poursuit une carrière de portraitiste.

Le peintre, de même que son frère, a fait l’objet des recherches d’Anne Van de Sandt. Souvent confondu avec les peintures de Jacques, le corpus des œuvres de François Sablet demeure aujourd’hui plus maigre. S’y distinguent essentiellement des portraits de la société nantaise (le musée d’Arts de Nantes en conserve une vingtaine), représentant en petit format des bustes de personnages dans un style proche de celui de Louis Léopold Boilly. L’apparition de ce paysage est donc un ajout majeur à son corpus connu.

Le tableau représente un site de la campagne de Rome, sur la route de Genzano, près du lac de Nemi, où l’artiste résida durant son séjour italien, et dont il réalisa des dessins et des peintures. La composition confronte la majesté de la nature à la représentation prosaïque d’un cavalier faisant boire son cheval dans un grand bassin, accompagné d’un chien. La végétation fait l’objet d’une étude particulièrement appliquée, tandis que l’atmosphère est baignée d’une lumière intense, contrastant puissamment avec les ombres des épaisses frondaisons des arbres. Cette composition est notamment à rapprocher de la grande Vue de la campagne romaine du côté de la Voie Appienne du musée d’arts de Nantes . Les deux tableaux furent présentés au Salon de 1804 et ont sans doute été composés après le retour en France. Anne van de Sandt souligne le caractère plus français qu’italien de la végétation du tableau de Nantes, avec leurs « silhouettes des arbres arrondies et massives », remarque qui s’applique également à notre tableau inédit. L’artiste semble avoir en effet continué à peindre des vues d’Italie comme de Suisse en France, ce que révèlent ses expositions au Salon ou sa vente après-décès.

Cette œuvre possède un grand intérêt au regard des tableaux conservés au musée Fabre. Les frères Sablet ont en effet côtoyé François-Xavier Fabre lors de sa formation à l’Académie de France à Rome et ont été particulièrement proches de Louis Gauffier, camarade et ami de Fabre fortement représenté dans les collections du musée montpelliérain. Le musée Fabre poursuit depuis plusieurs années une politique d’acquisition de toiles représentant la campagne italienne au temps du Grand Tour, avec notamment l’acquisition, en 2008, de la Vue de Vallombrosa par Louis Gauffier (2008.1.1 lien vers l’œuvre), d’une Vue de Florence par le même artiste en 2017 et d’une vue de la même ville par Joseph Wright of Derby, acquise la même année. Ce généreux don de la Fondation d’entreprise du musée est l’occasion de renforcer le caractère international du fonds de paysages italiens du tournant des XVIIIe et XIXe siècle, aux côtés des peintures de l’Allemand Johan Christian Reinhart, du Flamand Simon Denis, du Néerlandais Hendrik Voogh, du Russe Feodor Metveeff. L’acquisition de ce tableau trouve également son sens à la suite de l’achat d’une Continence de Scipion , en 2019, par Jean Pierre Saint-Ours, autre peintre suisse de premier plan de l’époque néoclassique.

Pierre Stépanoff

  • En savoir plus:

Catalogue de l’exposition : Les Frères Sablet (1775-1815), Nantes, Musées départementaux de Loire-Atlantique, 4 janvier – 10 mars 1985, Lausanne, Musée Cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, 21 mars – 12 mai 1985, Rome, Palazzo Braschi, 21 mai – 30 juin 1985, Rome, Centre Culturel Français de Rome, édizioni Carte Segrete, 1985, p. 117, 124 (comme tableau perdu), Anne van de Sandt (dir.). Varia, peintures et dessins de Federico Barocci à Vincent Bioulès, Paris, Galerie Michel Descours, 17 octobre – 29 novembre 2019, n° 18, p. 70-71 (notice par Mehdi Korchane).

Ouvrages disponibles à la bibliothèque et à la documentation du musée Fabre.

François-Jean Sablet, dit François Sablet
Paysage avec une fontaine sur la route de Genzano di Roma
1804
Huile sur toile
H. 65 cm ; L. 87 cm

Signé et daté en bas à gauche : F.Sablet. an XII.

Hist. : Paris, Salon de l’an XII (1804), n° 210, « Paysage représentant une fontaine sur la route de Geuzanne, à la Ricia » ; Peut-être Nantes, vente après décès de l’artiste, 1er mars 1822, « Paysage représentant une fontaine sur la route Genzanne, à la Riccia » ; France, collection particulière ; Lyon, Galerie Michel Descours, 2019 ; acquis de cette galerie par la Fondation d’entreprise du musée Fabre, 2020 ; don de cette dernière au musée Fabre, 2020.