Auguste Chabaud, Les Tirailleurs sénégalais

Entré à l'école des beaux-arts d'Avignon en 1896, Auguste Chabaud part à Paris poursuivre ses études à l'Académie Julian et à École des beaux-arts, dans l'atelier de Fernand Cormon (1845-1924) où il rencontre Henri Matisse et André Derain. La propriété viticole de ses parents qui subit la crise de 1900, oblige Auguste Chabaud à redescendre dans le Midi. De 1903 à 1906, il fait son service militaire en Tunisie d'où il va revenir avec des carnets de croquis remplis d'images locales, dont de nombreux dessins de militaires, d'indigènes et de scènes de bar peuplés de filles et de marins. De retour à Paris, Chabaud débute en 1907 au Salon des indépendants, exposant parmi les fauves. Il va découvrir une nouvelle vie, celle de la nuit parisienne et des cabarets. À Montmartre où il a son atelier, il peint les rues et les places animées ou désertes, les scènes de la vie nocturne et les maisons closes. À son retour de la Première Guerre mondiale, en 1919, Auguste Chabaud s'installe définitivement à Graveson, dans les Alpilles. À partir de 1920, il entame sa période bleue où il emploie le bleu de Prusse à l'état pur, dans laquelle la Provence, ses personnages et ses coutumes sont mis en avant. Le Sud, qu'il n'a jamais cessé de peindre, même dans sa période parisienne, va l'occuper désormais exclusivement. Il y restera jusqu'à la fin de sa vie, vivant reclus dans sa maison avec sa femme et ses sept enfants. Surnommé l'« ermite de Graveson », il meurt en 1955.

Bien que réalisée à la fin des années 1920, cette œuvre d’Auguste Chabaud, d’une rare intensité, relève par sa facture tout autant du fauvisme que de l’expressionnisme des années parisiennes de l’artiste, qui réside dans la capitale au début du siècle.  En effet, les œuvres de cette période sont pour beaucoup des reprises de ses dessins réalisés au début du siècle, à une époque où, embarqué pour quelques mois dans la marine marchande, Chabaud navigue vers Gibraltar puis vers les côtes de l’Afrique occidentale, avant de rentrer à Paris. Il y réalise de nombreux dessins des soldats de l’armée coloniale et des populations autochtones rencontrées lors des déchargements dans les ports, dont de nombreux tirailleurs sénégalais. Ce tableau, exposé au Salon des Indépendants en 1928, témoigne également de son regard porté sur le contexte de la Première Guerre mondiale durant laquelle les tirailleurs sénégalais furent mobilisés sur le territoire de la métropole et notamment à Paris. Le costume jaune des tirailleurs qui apparaît au cours de la Première guerre mondiale, remplaçant celui bleu et rouge alors en vigueur et présent sur d’autres toiles, l’atteste.

Depuis plusieurs années, le musée Fabre souhaite présenter un ensemble renforcé et cohérent autour de la figure d’Auguste Chabaud, artiste qui fait le pont entre la scène fauve parisienne et la scène picturale régionale. Ce dernier est d’ores-et-déjà présent dans les collections du musée Fabre au travers de huit toiles auxquelles s’ajoutent deux dépôts. Le chatoiement et les forts contrastes des couleurs, ainsi que l’expression dramatique du tirailleur au premier plan confèrent une grande force au tableau. Ce dernier, donné au musée avec réserve d’usufruit - le donateur conservant la jouissance du bien - intégrera à terme la Salle des modernes du musée Fabre, aux côtés des œuvres de Kees Van Dongen, compagnon de Chabaud dans le milieu montmartrois de l’avant-guerre, de Robert et Sonia Delaunay, ou encore d’Othon Friesz.

Auguste Chabaud, Les Tirailleurs sénégalais

Auguste Chabaud (Nîmes, 1882 - Graveson, 1955)
Les Tirailleurs sénégalais
Signé en bas à droite A. Chabaud
Huile sur toile
H. 107 cm ; L. 76 cm

Donation sous réserve d’usufruit Alain Slingeneyer / Franck Stec, 2020
Bibliographie :
Serge Fauchereau, Auguste Chabaud, époque fauve, Paris, Ed. André Dimanche, 2002.
Exposition :
Maïthé Vallès-Bled, Chabaud, Fauve et expressionniste, 1900-1914, Sète, Musée Paul-Valéry, 2012.