Auguste Barthélémy Glaize, Paolo et Francesca

Né à Montpellier en 1807, Auguste Barthélémy Glaize s’initie à la peinture à Paris dans l’atelier d’Eugène et Achille Devéria, et expose au Salon de 1836 jusqu’en 1880. Durant cette longue carrière, il s’essaye à tous les genres: peinture d’histoire, allégorique, mythologique ou religieuse. Il décore ainsi de nombreuses églises parisiennes de fresques ambitieuses : Saint-Sulpice, Notre-Dame de Bercy, Saint-Gervais, Saint-Eustache. Cette peinture religieuse est cependant jugée peu sincère par ses contemporains, et c’est surtout dans le portrait élégant, la scène de genre moderne ou l’allégorie érotique que son talent s’épanouit le plus, ce qu’exprime bien Charles Baudelaire à propos de deux tableaux de l’artiste :

« M. Glaize a un talent - c'est celui de bien peindre les femmes. C'est la Madeleine et les femmes qui l'entourent qui sauvent son tableau de La Conversion de Madeleine — et c'est la molle et vraiment féminine tournure de Galathée qui donne à son tableau de Galathée et Acis un charme un peu original. » (Baudelaire, Curiosités esthétiques).

Depuis John Flaxman, avec son édition illustrée de L’Enfer de Dante en 1793, jusqu’à Alexandre Cabanel avec sa Mort de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta   de 1870 (Paris, Musée d’Orsay), le sujet du tableau de Glaize traverse l’ensemble du XIXe siècle. Lorsqu’il le réalise en 1845, il possède de prestigieux modèles : Marie-Philippe Coupin de la Couperie (Arenenberg, Musée Napoléon Thurgovie) en 1812, puis surtout Ingres en 1814 (Chantilly, Musée Condé), sont les premiers à proposer une représentation de ce drame sur un mode intimiste, dans un intérieur gothique reconstitué selon l’imaginaire contemporain. En pleine lecture des amours adultères de Lancelot et Guenièvre, Paolo succombe à son désir et embrasse Francesca, sous le regard sombre de Giacintto Malatesta, époux de Francesca, prêt à frapper.

C’est précisément cette acmé de la scène que représente Glaize, reprenant à Ingres le détail du livre tombant de la main de Francesca. Cependant, l’artiste interprète le sujet avec toute la singularité qui le caractérise. Affectionnant les couleurs brillantes et sophistiquées qu’il reprend à ses maîtres les frères Devéria, il se plait à intégrer des notes roses ou dorés donnant un caractère raffiné au tableau. Toujours très attirés par la représentation des accessoires et le rendu des matières, il couvre élégamment le pourpoint de Paolo, la robe de Francesca et les murs de la salle d’ornements inspirés du Moyen Âge. Si l’artiste tend quelque peu à transformer le drame romantique en badinage amoureux, il sait lui offrir une douceur et un charme certain, teinté d’une pointe d’humour facétieux, résumant bien le rapport ambigu que Glaize entretient avec le romantisme.

Résidant essentiellement à Paris, Glaize conserve cependant de forts liens avec Montpellier : après la mort de Fabre en 1837, Le Sang de Vénus de Glaize, déposé par l’Etat en 1846 est un des premiers tableaux à renouveler le fonds du musée, donnant à voir aux Montpelliérains les évolutions de la production picturale contemporaine. Mais c’est surtout son amitié avec Alfred Bruyas qui explique aujourd’hui la forte représentation de son œuvre dans les collections du musée. Que ce soit dans le Portrait d’Alfred Bruyas dit Le Burnous (1849), dans Souvenir des Pyrénées (1851) ou bien dans l’ Intérieur du cabinet Bruyas (1848), on retrouve l’intérêt de Glaize pour le rendu précieux des étoffes, l’élégance des poses et la sophistication des couleurs. L’ensemble de peintures de Glaize conservé par le musée Fabre ne comprenait cependant pas de sujet romantique, et ce tableau vient apporter un éclairage nouveau à la production du peintre. 

Pierre Stépanoff

Auguste Barthélémy Glaize
Paolo et Francesca
Vers 1845
Huile sur toile
H. 54 cm ; L. 45 cm

Signé en bas au centre : « A. GLAIZE »

Hist. : Paris, acheté auprès de la galerie La Nouvelle Athènes par Montpellier Méditerranée Métropole pour le musée Fabre, avec le soutien de la région Languedoc-Roussillon.