Redécouvrir les Femmes à la fontaine de Dominique Papety

Entré dans les collections du musée Fabre en 2010, le tableau de Dominique Papety Femmes à la fontaine est actuellement exposé dans la salle Ingres et l’école des Beaux-Arts. L’œuvre, provenant de la collection Sabatier, n’a d’évidence fait l’objet d’aucun traitement au niveau de la couche picturale avant la restauration entreprise en 2011.
L’opération de restauration a révélé que la toile n’était pas tendue sur son châssis d’origine. Des reliefs horizontaux laissent penser que le tableau a été roulé pour le transport.

Une technique de double vernissage

Deux couches de vernis ont été appliquées tôt dans l’histoire du tableau, car on n’observe pas de traces de vernis au niveau des craquelures au revers de la toile. L'état de la surface picturale et du vernis est cohérent avec cette hypothèse.
Avant traitement, on observait au niveau des parties claires (les robes des femmes, le ciel à l’exception de l’horizon près de la fontaine, les parties claires de l’architecture, le premier plan et les décorations situées sur la maçonnerie à droite, le paysage) un vernis granuleux d’une couleur jaune orangé appliqué sur la peinture. Cette couche correspond probablement à un vernis, ou possiblement un glacis, composé d’un mélange d’huile et de résine appliqué sous forme de gel pour l’aisance de l’application. La texture ressemble aux mélanges composés de copal. Cette première couche a pu être posée pour adoucir les blancs ou pour sa fonction protectrice, ou pour les deux raisons. Une deuxième couche de vernis a été appliquée par-dessus, probablement composée d'une simple résine naturelle telle que le mastic. Ce vernis était très oxydé, jauni et a été attaqué par des taches de mouches corrosives.

 
La technique de double vernissage employée par Papety n’est pas sans évoquer les références aux vernis et glacis cités dans l’ouvrage de Jean-François-Léonor Mérimée (1757-1836), De la peinture à l’Huile , édité en 1830. L’auteur y décrit longuement ces mélanges. Il précise qu’avec le temps ces glacis et vernis brunissent (p.100) et que leur application modifie la couleur des blancs. Mérimée, secrétaire perpétuel de l’école royale des Beaux-Arts, recommande ainsi un système de double vernissage (p. 101), en première couche un vernis à base d’huile-copal, suivi d’une couche de vernis à base de mastic : « celui-ci sera jaune au bout de quelques années, mais comme il s’enlève facilement, on pourra le renouveler quand il aura perdu sa transparence. Le vernis au copal, étant extrêmement dur, ne sera pas attaqué lorsqu’on enlèvera celui que le recouvre : ainsi il préservera la peinture. »
Le recueil technique de Mérimée sur la peinture à l'huile depuis Jean Van Eyck jusqu'au XIXème siècle est considéré comme le premier du genre en matière d’histoire de l’art et de restauration. Il fut traduit en anglais en 1839. Secrétaire perpétuel de l’Ecole royale des Beaux-Arts et père de Prospère Mérimée, Jean-François-Léonor fut également peintre : le musée Fabre possède l’une de ses toiles, Vertumne et Pomone , datée de 1796 (inv. 825.1.150).

Source pour les renseignements techniques: Anne Baxter.

Des dessins sous-jacents et des repentirs révélés grâce à la photographie infrarouge

La réflectographie infrarouge est une méthode d’examen des peintures de chevalet qui permet d’accéder au dessin sous-jacent à la couche picturale. L’examen de la toile de Papety en lumière infrarouge a révélé des dessins préparatoires et inscriptions.

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- En réflectographie infrarouge, on voit que la tête de lion, d’où jaillit l’eau de la fontaine, avait initialement un museau pointu et des dents.

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- Plusieurs inscriptions sont visibles sous le bleu du ciel. On peut lire 136 , cobalt , et des esquisses pour des chapiteaux et colonnes carrées ont été dessinées.

La réflectographie infrarouge rend également visibles de nombreux repentirs. Il s’agit de corrections faites en cours d’exécution par le peintre, elles révèlent des changements ou des hésitations.

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- La réflectographie infrarouge rend visible la présence d’un personnage (enfant ?) auprès des trois femmes dans le deuxième plan.

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- Deux palmiers, ajoutés au cours de la réalisation du tableau, agrémentent le paysage au niveau de l’horizon dans la partie droite du tableau.

Dominique Papety (Marseille, 1815 - 1849)
Femmes à la fontaine
1839-1840
Huile sur toile
H. 99 ; L. 138 cm

S.L.b.d. : DOM.PAPETY.ROMA

Inv. 2010.17.1

Hist.: don anonyme, 2010.